Lorsque
tu vois un mur blanc ou un espace vide, à
quoi penses-tu ?
Ca
m'énerve ! Aujourd'hui, j'ai vu un
mur blanc et ça m'a attiré,
j'ai toujours ça en tête. C'est
à la fois bien et pas bien, il faut
savoir se tenir. C'est comme une drogue, toutes
les idées sont là, mais il faut
laisser la place aux autres générations
pour qu'ils s'amusent un peu. Mais lorsque
je vois un mur, j'ai envie de prendre un fat
et shiii (bruit de bombe).
Le
graffiti est-t-il aussi un moyen de communication
pour toi ?
Oui,
mais ça a évolué car
aujourd'hui les gens communiquent avec les
t-shirts, les sites web, les magazines. C'est
peut-être trop de communication, les
gens font parfois cela simplement pour communiquer.
Ta
vision du graffiti a-t-elle changé
depuis tes débuts ?
Non, c'est toujours la même rage et
j'ai toujours cru que c'était une forme
d'art et d'expression. J'ai toujours su que
ceux qui critiquaient, le faisaient parce
qu'ils ne connaissaient pas et que la rue
n'était pas leur culture. Ce n'est
pas un truc qu'ils savent parce qu'ils ne
sont pas de ce monde là.
John, tu travailles aussi sur toile,
comment s'est faite cette transition ?
Je
n'ai jamais reçu d'éducation
au niveau du sens créatif, c'est peut-être
bien. Je ne suis jamais allé dans une
école de peinture, je n'ai jamais pris
de leçons ni fait de stages. C'était
à la fois un avantage et un désavantage
car, lorsque j'ai commencé, je n'arrivais
pas à construire d'images, je ne pouvais
pas dessiner un paysage, ou quelque chose
de figuratif. Pour moi c'était dur,
car je ne servais à rien, seulement
à faire des tags et je voulais passer
à l'étape suivante, avoir cette
petite chose où les gens reconnaissent
ton travail. Alors j'ai commencé par
remplir les uvres des autres, ils dessinaient
des métros et moi je les remplissais.
A partir de cela, j'ai commencé à
savoir comment on fait un dégradé,
des petits effets
Les gens aimaient mes
effets, ma manière de faire les dégradés,
ils corrigaient mon travail et ces incorrections
m'ont poussé à travailler mes
lignes. Et un jour, ces artistes qui peignaient
des métros n'ont plus voulu peindre,
je me suis alors retrouvé seul avec
des bombes, et j'ai essayé seul. Au
début c'était n'importe quoi,
mais j'ai insisté et j'ai trainé
avec beaucoup d'artistes différents.
Je ne restais pas seulement avec un clan,
je regardais le travail des autres artistes,
cela m'a ouvert l'esprit et m'a vraiment aidé.
Peu
de graffeurs ont su franchir le fossé
qui les séparaient du monde de l'Art
professionnel, ton travail sur toile a-t-il
été pour toi un moyen de franchir
ce fossé ?
Dans
un sens, oui. Mais ce n'était pas une
chose réfléchie. Ca s'est fait
naturellement, car je n'avais pas imaginé
devenir un artiste et faire des toiles.
Qu'est-ce
qui te fait peindre ?
C'est
avant tout le plaisir. Même si je ne
gagne pas toujours d'argent, la chose la plus
importante c'est le plaisir.
Quand
peins-tu et pourquoi ?
Je
peins tout le temps, dès que j'ai l'occasion
de peindre. Je peins, parce qu'au point où
j'en suis, ça fait tellement longtemps,
que j'ai une responsabilité de continuer
à progresser, d'être un artiste
professionnel vis-à-vis de tous ceux
qui ont cru en moi, qui m'ont aidé
et poussé. C'est un peu pour eux que
je peins, car je ne veux pas les décevoir
et être moi-même déçu.
Je me souviens qu'avant que je ne découvre
le graff à seize ans, je ne finissais
rien de ce que je commençais, je n'allais
jamais au bout des choses. Je me suis dit
qu'avec le graff, j'irais jusqu'au bout, que
jamais je ne lâcherais l'affaire.
Tes
toiles attirent un public différent,
qui est aussi très critique
Qu'est-ce
qui les attire ?
Les
gens qui regardent les murs et ceux qui regardent
mes toiles viennent de deux mondes différents.
Mes toiles plaisent à des personnes
qui n'ont rien à voir avec le public
Hip Hop, qui viennent d'un autre milieu, et
ont reçu une autre éducation.
La manière dont je compose mes couleurs,
dont je les place , ça les attirent,
car quand tu vois une de mes toiles, tu sens
qu'il y a quelque chose derrière, qu'il
y a une histoire qui te parle, que ça
vient de loin.
Que
peut-t-on dire de ton style de peinture ?
Hum
! Laisse-moi regarder une de mes toiles pour
voir ce que ça dit (il se lève
et se dirige vers une toile). Ok
Des
fois tu peux dire : "Il est vraiment
flashy, vraiment coloré", c'est
évident! Les gens me disent qu'ils
peuvent reconnaître une toile de Jonone
tout de suite. Je crois que ce n'est pas simplement
flashy, parce que quand tu t'approches, tu
vois qu'il y a des choses qui se répètent,
qu'il y a une certaine harmonie, une manière
très personnelle de mettre mes couleurs.
C'est un peu compliqué mais en même
temps bien construit.
Tu
décris tes toiles comme très
colorées, d'où viennent toutes
ces couleurs ?
J'essaye
d'être positif dans la vie, les couleurs
me rendent heureux. C'est une chose que les
gens qui possèdent une de mes toiles
ressentent, ça leur donne le sourire.
Je crois que c'est une qualité que
je donne aux gens, si quelqu'un voit une toile
qui t'appartient, et que tu transmets un sourire,
c'est bien, car tout le monde ne peut pas
le faire. Il y a ce côté positif
que je mets sur mes toiles et le public le
sent tout de suite. Je pense que mon travail
occupe l'espace, qu'il a une force, une énergie,
elle est très pourrr !!! (bruit d'explosion,
NDLR).
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