La jeune scène Slam de Paris

 


 





Peux-tu expliquer l'origine de ton nom ?

Alors, mon nom, c'est Rouda, et en fait c'est le père d'un ami, qui ne parle qu'arabe. Et moi je parle pas arabe. Il ne parle pas du tout français. Donc, les moyens de communication sont limités, et il m'appelle tout le temps "Rouda". Un jour, en n'y tenant plus, je vais lui demander ce que ça signifie. Il m'amène dans son jardin, il m'amène vers le plus petit arbre qu'il y a dans son jardin, il prend la plus petite branche de l'arbre, il prend la plus petite combinaison de la plus petite branche de l'arbre, il me dit "Rouda". Voilà ! Ce qui en fait veut dire "la brindille". Comme ça, voilà. (se levant pour montrer sa silhouette mince). J'ai trouvé ça marrant, ça sonne bien, c'est un peu comme "rude" mais en fait ça veut dire la brindille.

Te consideres-tu plutôt comme un rappeur ou slameur ?

Moi, à la base, je fais du Hip Hop, je fais du rap. Maintenant, je suis plutôt dans le Slam. J'ai un album…

As-tu déjà enregistré un album ?

Non, je l'ai pas enregistré. Mais tout est prêt. Douze titres, je peux le sortir. Mais je vois pas l'intérêt. C'est pour ma famille, mes amis, c'est tout.

Mais tu ne veux pas l'enregistrer ?

Non.

Pourquoi ?

Parce que mon objectif est artistique, et pas encore commercial pour l'instant. C'est à dire que j'ai pas envie de vivre de la musique pour l'instant. J'ai pas fait le choix de dire "tiens, je laisse tout ce que j'ai à côté et je me mets uniquement dans la musique, que dans le son, et je vais gagner ma vie avec, manger avec." J'ai pas encore ça dans ma tête. Moi je veux travailler, faire un boulot qui m'intéresse, qui me donne envie de me lever le matin, et à côté de ça, me faire plaisir en chantant, en slammant, en écrivant des textes. Maintenant si un jour j'ai l'opportunité, je vais pas mentir, si un jour on me propose de faire quelque chose, je dirais oui. Voilà. Mais c'est un objectif à long terme. La question étant "si tu enregistres quelque chose, c'est pour qui que tu le fais ? C'est qui que tu vas représenter ? Qui va l'écouter ?" Si c'est genre ma mère, mes amis, et quelques personnes, ça m'intéresse pas.
C'est pour ça que j'aime bien le Slam. Parce que c'est une ouverture. Et il y a une écoute tout le temps. Et que les gens viennent pour découvrir de nouveaux textes. Et pas des nouvelles personnes, mais surtout des nouveaux textes.

Tu écris souvent ?

Tous les jours.

Et de quoi parles-tu dans tes textes ?

Je parle du tout. De moi, ce n'est qu'une écriture, c'est quelque chose d'un peu thérapeutique. Tu parles de tes problèmes, machin, tout ça. Après, cette rage, la rage que tu peux avoir, la haine, tu peux la transcender sur des thèmes. Ça va te donner un thème et tu vas écrire un couplet. Moi j'ai plein de thèmes. Surtout des thèmes sur un courant économique, politique etc., c'est assez politique.
Après il y a des thèmes où ça peut être les délires, les combinaisons, les freestyles, l'ego trip, j'écris tout. La poésie aussi, les nouvelles, j'ai écrit un scénario. J'aime écrire. Mais pour moi. Il y a que le Slam où je vais pour donner ce que j'ai écrit. Mais si je le fais c'est avant tout pour moi.

Retrouves-tu un autre esprit dans le slam que dans le hip hop ?

Déjà, le Slam et le Hip Hop, il y a des points communs, mais c'est quand même vachement différent. Dans le slam tu as des gens qui viennent du Hip Hop, mais tu as des poètes, tu as des écrivains, tu as plein de styles différents et de personnalités différentes. C'est divers, varié. Maintenant l'esprit qu'il y a dedans, il y a pas de compétition, ça c'est bien. Mais en septembre, Stefo (un autre poète Slam) va organiser une sorte de compétition. Il va demander à dix slameurs de venir un soir, le publique va élire les cinq meilleurs slameurs, qui viendront la semaine d'après. Avec à nouveau cinq slameurs. Un peu à l'américaine, tu vois ? C'est un autre esprit. En même temps, j'apprécie bien l'esprit des scènes de Pilote, ou de Nada, où c'est ouvert, il y a pas de compétition. Viens qui veut, reste qui veut, totale liberté d'expression.

Comment vois-tu l'évolution du Slam en France ?

A mon avis, il y a deux risques. D'abord, que ça devienne quelque chose de commercial, exploité de manière économique. Du fait que ça soit commercial, ça va impliquer un deuxième risque, qu'il va avoir la compétition entre les gens. Et peut-être perdre un petit peu la sincérité et l'originalité du mouvement. Ça c'est un risque. Moi je suis pour une multiplication des scènes, pour qu'il y ait des scènes partout, avec des gens différents, et surtout des nouvelles personnes, de nouvelles têtes. Parce que le problème des fois, c'est que tu vas à un Slam, et dans la publique tu as que des slameurs. Il n'y a que des gens qui font déjà du Slam. Ça manque un petit peu d'ouverture. Il y a un petit groupe, qui va se voir, dire "j'ai adoré ton texte", "oh, mais le tien…" tu vois ? On essaie de se congratuler, tout ça, et souvent il y a pas de publique ! Il faut l'admettre. A part aux Lucioles, où ça tourne un petit peu, mais aux Lucioles les gens sont dehors, au terrasse, en train de manger, il s'intéresse pas forcément au Slam. Je peux pas dire comment cela va évoluer. Je vois que des risques.

Souhaites-tu ajouter quelque chose ?

J'aime bien le slam !

 

 

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