Comment
es-tu venu au slam ?
Il
y a six ans j'écrivais beaucoup,
je voulais trouver un rappeur qui
soit un peu ma voix, et moi j'étais
là avec mes écrits.
Finalement ça ne s'est pas
fait. J'ai donc commencé à
acheter des instrumentaux en vinyles
pour m'entraîner, et j'ai travaillé
des années et des années
pour apprendre à respirer.
J'ai commencé à faire
des petites scènes dans des
petits bars.
Ensuite, j'ai travaillé, en
fait je suis venu à faire en
a capella parce que j'écris
des textes longs. Je les apprenais
par cur et je les travaillais
dans la rue, sur le trottoir. Donc,
je faisais du Slam si tu veux. Je
scandais, pour moi, sur le trottoir,
pour les mémoriser, les emboucher
etc. Je les ai fait beaucoup sur instrumentaux,
je scandais d'une façon très
atypique, c'était plutôt
de la poésie scandée
sur des beats Hip Hop. On ne pouvait
pas dire que ça correspondait
au stéréotype de phrasé,
décalé, pour les jeunes
maintenant. Et ça ne correspond
toujours pas d'ailleurs.
Finalement j'ai commencé à
traîner à droite à
gauche, et quand j'en ai eu marre
de dépendre un peu des autres,
je me suis bougé le cul pour
trouver des endroits où m'exprimer.
Donc, je fais souvent des performances
solo, d'une demie-heure, trois-quarts
d'heure, une heure des fois, où
je suis rémunéré
au chapeau. Ça m'arrive de
plus en plus souvent.
J'organise ce qu'on appelle les Slam
sessions, c'est-à-dire je me
démerde pour trouver un micro,
un lieu, et puis je fais tourner des
phrases. J'informe des mecs qui ont
envie de s'exprimer, ils viennent
ou ils ne viennent pas, voilà
! Je continue comme ça, et
j'écris tout le temps.
Est-ce
grâce au film "Slam"
de Marc Levin que le terme de slam
est devenu plus courant en France
?
J'ai
lu un article sur le film "Slam"
avant sa sortie. Ça m'a percuté
bien sûr, j'étais à
Pigalle dans un bar, il y a une fille
qui est venue et qui disait "je
reviens de New York, il y a un film
qui va sortir, qui s'appelle Slam"
et moi j'avais lu l'article, je me
disais "Slam", c'est le
pouvoir de la parole, c'est avec des
blacks avec des dreadlocks', ça
m'a dit "oui".
On a discuté, dans un bar où
on fait des soirées poésie
depuis, tous les mardis. Puis j'ai
fait mes textes a capella, elle a
écouté mes textes, elle
a trouvé que ça correspondait
pas mal. Elle a fait un article dans
Nova, il y avait ma photo, elle parlait
de moi et d'autres gens. Je reviens
de Barbès dans l'article sans
l'avoir du tout cherché.
Avant il y avait eu un article en
97 en Psychologie où la journaliste
qui faisait prononçait par
le mot slam. J'ai gardé l'article.
Mais la façon dont c'était
exprimé, c'était déjà
une soirée slam. On faisait
du Slam sans le savoir. Parce que
c'était éclectique en
fait, il y avait des mecs qui rappaient,
il y avait d'autres mecs qui avaient
une facture de poésie plus
classique, on mélangeait dans
les bars à Pigalle, sans le
savoir, on faisait des Slam sessions.
On ne savait même pas qu'on
était des slameurs. On l'a
appris quelque temps plus tard.
Et après c'est devenu ce que
c'est devenu, il y a des opportunistes
qui récupèrent le truc
pour tuer un phénomène
culturel et social, en en faisant
une mode avant même de lui laisser
une chance d'exister en tant que phénomène
culturel et social.
Et puis ça se propage quand
même malgré tout, parce
que tu vois là, ce soir on
est à l'Abracadabar, il y a
des mecs qui viennent de faire tourner
un tract, ils organisent un dimanche,
à Simon Bolivar, dans un petit
squat. Voilà, dans un squat.
C'est tout ce qu'on sait, en fait
si on veut slammer, il y a deux blacks,
ils nous passent des tracts, et on
est les bienvenus. C'est tout ce qu'on
sait. Ça, c'est de l'underground.
Voilà, sinon pour moi écrire
est une nécessité absolue,
c'est exprimer, c'est créer.
J'ai beaucoup de textes derrière
moi. Je rêve de trouver des
musiciens, je vais les trouver. Je
viens de finir d'écrire un
livre, je finis de le corriger, je
vais l'envoyer à des éditeurs.
Je vais sortir un disque aussi. Je
vais y arriver. Mais je vais réussir
sans écraser les autres. J'ai
le talent qu'il faut pour réussir
sans écraser les autres. Je
n'ai pas besoin d'écraser les
autres.
J'ai des années de travail
derrière, je peux plutôt
faire confiance à mon travail,
à ma créativité
pour m'amener à devenir un
artiste professionnel sans vendre
mon âme. En restant le créateur.
En restant l'artiste avant d'être
un businessman. Ou en étant
un mélange calculé d'artiste
authentique et de businessman. Voilà,
je te réponds honnêtement,
le plus honnêtement possible.
Et pour moi quand même les critères
de base sont l'intégrité
et l'authenticité. Le Hip Hop,
la culture Hip Hop, le Slam, c'est
tout ça, c'est le blues du
troisième millénaire.
Moi je suis très blues, très
jazz, très punk aussi. Très
rock'n'roll, j'aime beaucoup le Hip
Hop, tout ça fusionne. J'ai
des sources littéraires, Genet,
Céline, Baudelaire, je lis
beaucoup. J'ai lu Mishima, un écrivain
japonais. J'ai des sources vraiment
variées au niveau littéraire.
Mon nom aussi c'est important, parce
que mon nom, c'est Nada à la
base, mais j'ai Nada Chakan, Nada
l'Ange Noir, Déjà Mort,
La Vermine
En fait moi je suis
à mi-chemin entre les cultures
punk et Hip Hop, j'ai un pied planté
dans les deux. Comme j'ai parfois
la sensation d'être habité
par divers personnages, je me crée
divers pseudonymes.
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