Rencontre avec King Kapisi

 

 


 

 

The Roots, Dujeous?, des artistes comme eux qui font de très bonnes choses.
Tu te définis comme Samoan, et tu dis Samoan-Néo-zélandais…

Samoan-Polynésien-Néo-zélandais.

Des fois tu observes ta communauté, la communauté samoan et tu apparais, à mon sens, comme un "outsider" et tu penses "Oh mon dieu, qu'est-ce que c'est que ce truc qu'ils ont avec la religion" ou ces grosses églises qui recrutent des gens qui ont un style de vie, avec des croyances spéciales et une foi spéciale. Et tu n'en fais pas partie, tu observes, tu te retires, tu vois ce que je veux dire ?

Oui, bien sûr.

Et comment tu te situes par rapport à ça ?

Quand j'étais plus jeune, on avait le choix d'aller à l'église ou de ne pas y aller. Mes parents m'ont dit "Tu veux aller à l'église ?" et j'ai pris la décision d'y aller quelques fois, et je disais "Allez, on y va tous !". Donc je peux voir des deux côtés : ne pas aller à l'église et aller à l'église. Et il y avait des choses, des bonnes choses que j'ai vues en y allant, et il y avait aussi beaucoup de mauvaises choses que j'ai pu y voir. Donc j'ai grandi avec la liberté de choisir quand beaucoup d'autres enfants Samoan ou Polynésiens n'avaient pas le choix. "Tu dois aller à l'église !". Le dimanche, tu te lèves à neuf heures, tu as une messe à dix heures, et tu as encore une messe de trois à cinq heures. Certaines personnes allaient à la messe deux fois, et ça pour moi c'était "oh, merde c'est pas moi". Et Dieu n'a jamais demandé d'argent, Dieu demande juste un hommage, tu dois lui rendre hommage, et bon nombre de fois j'ai parlé à Dieu, et Il ne m'a jamais rien répondu. Donc si Dieu regarde tout le monde, tous les êtres humains, et dit "vous êtes tous égaux", il y a des gens à qui j'ai parlé qui m'ont dit "Dieu me parle", et je réponds "putain, t'es sacrément spécial, parce qu'il me dit que dalle à moi". Donc, il y a pas mal de trucs auxquels je n'adhère pas. Ils demandent de l'argent pour l'Eglise, et le plus souvent dans la communauté pacifique, le prêtre ou le révérend a une belle maison, la plus grosse maison, la plus grosse voiture, et il a un putain de gros…compte en banque. Donc, quand ils demandent de l'argent, ça va pratiquement toujours directement tout en haut ou aux personnes en dessous. Ce sont ses seconds, ses aides, les troisièmes, quatrièmes, et dans la communauté polynésienne il y en a beaucoup, tu vois, ça s'appelle "oka lovo".

Oka Lovo ?

Et les trucs comme ça m'ennuient. Qu'il y ait une grosse église massive dans un tout petit village, dans un espace de deux cents mètres, en longueur, avoir ces deux grosses églises, pour moi c'est une perte de temps. Il y a beaucoup de choses que les gens obtiennent, et qu'est-ce qu'ils demandent ? Une conduite morale, mais la conduite morale pour moi c'est la créature divine qui te demande de te regarder dans un miroir et de te dire "ok, Bill, tu dois faire ces trucs maintenant, Bill !". Et quand tu pries, la seule voix que tu entends c'est la tienne. Tu te mets à un niveau plus élevé de conscience quand tu t'écoutes, et à d'autres moments tu te dis "merde, je dois faire ça" et tu brasses de l'air, tu fais que dalle. Mais quand t'es assis là et c'est quand même étourdissant une prière, surtout quand il y a dix autres personnes autour de toi, et qu'elles t'écoutent, te rappellent à l'ordre en te disant "ouais, dans tes prières t'as dit que tu devais faire ça". Il y a vachement de ce trop plein de foi. Le "Je vais sortir samedi soir, me mettre la tête, me bourrer la gueule et après aller à l'église", tu comprends ?

 

 

Propos recueillis par Drey.k - Avril 2002
Photos - Low Life Records